"Lope", "salope", "trou à jus", "veau" (sic!) etc. L'individu n'a plus de nom, pas même un pseudo: il est réifié et simplifié à son rôle d'outil sexuel.
Certains adorent ça et le revendiquent même au fil de leurs publications. Si on cherche plus loin sur les mêmes profils, on trouve aussi parfois quelques lignes pleines de désespoir sur le fait de ne pas trouver le prince charmant, sur la solitude, le rejet...
Un passage matinal sur mon compte Twitter me montre à quel point ce qui détruit les homos mâles c'est le manque de respect que beaucoup ont vis à vis des autres et, finalement, d'eux-mêmes.
Sous prétexte d'utiliser une zone de liberté dans laquelle l'anonymat est possible, même si on peut s'y exhiber comme rarement ailleurs, on déverse le pire, on s'y lâche.
"Vieux", "gros", "petite bite" versus "étalon", "doseur", "beau gosse"... C'est une litanie de qualificatifs réducteurs, de partouzes, de coups d'une heure avec bilan sérologique à la clé.
Le côté obscur du Rainbow alors que le sexe pourrait être si beau, si constructif, si fraternel sans pour autant tomber dans la naïveté.
Avec mes tweets "sympa", mes réflexions gourmandes sur le cul en 240 caractères, mes photos plantureuses, je me fais l'effet d'un ethnologue en territoire hostile dans cette sphère à l'Oiseau Bleu. On y trouve pourtant pléthore pour contenter ses sens et ses fantasmes, toujours dans le virtuel, certes, mais c'est déjà ça.
Ce qui est terrible, c'est ce constat de terrain que rien ne change dans l'univers gay (je ne parle pas du lesbien ou du trans que je connais très mal): on s'y comporte mal, en prédateur, et égoïste esclave des pulsions. On y traite mal les gens, on s'y défoule, on classe, on rejette et on se rachète ponctuellement une vertu en militant sans bouger de son canapé.
Comme si le respect empêchait le plaisir. Comme si une certaine bienveillance nuisait à l'intensité du sexe à deux ou à plusieurs.
Dans une période où la société demande des comptes à ceux qui ne respectent pas les femmes, les cultures, les origines avec des mots-clés comme "metoo", "blacklivesmatter" etc, comment peut-on encore autant se déconsidérer dans la même "communauté"?
Même en plein délire des sens, même en plein fantasme, quand il prend forme sur un réseau social, on ne peut pas tout faire, on ne peut pas tout dire.
Parce que se pose toujours le problème du consentement continu et régulier de l'autre d'une part et que, d'autre part, l'Homme droit possède des valeurs fondatrices qu'il ne peut renier. L'autre n'est pas une chose, jamais, même s'il le demande dans un moment de grande excitation.
Nous ne parviendrons jamais à imposer le respect au monde hétéronormé vis-à-vis de ce que nous sommes si nous ne sommes pas capables, à titre individuel et collectif d'en faire un préalable dans les relations que nous développons entre nous.